Les images de "Unes" : des choix éditoriaux
Des images manipulées ? et vérifiées !
Tungstène : une image manipulée est-elle forcément mensongère ?
Conçu à la demande du Ministère de la Défense et utilisé par l’AFP, Tungstène est un logiciel de photo-interprétation avancée qui permet de détecter les altérations dans les images numériques. Avant de parler d’image trompeuse, encore faut-il savoir toutefois aux moyens de quels critères on la considère comme telle. Article complet : http://www.oai13.com/focus/photojournalisme/tungstene-une-image-manipulee-est-elle-forcement-mensongere/ Sur la photo ci-contre : Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en présence de militaires haut gradés. Les filtres révèlent que la photographie a fait l’objet d’une post-production importante pour accentuer les symboles du régime et militaires (Photo: KCNA. Filtres: eXo maKina) |
Le photojournaliste, l'agence de presse... qui décide de montrer quoi ?
Le cas particulier des scènes violentes
"Que ferais-je si ce bébé était à moi ?"
Quand j’arrive sur la plage de galets, le premier cadavre que je vois est celui d’un bébé. Il doit avoir neuf ou dix mois, il est chaudement couvert et porte un bonnet. Une tétine orange est accrochée à ses habits. A côté de lui gisent un autre enfant, âgé de huit ou neuf ans, ainsi qu’une adulte, leur mère peut-être. Sur le moment, je ne sais pas quoi faire. Je prends quelques photos. Je parcours la plage, je vois le corps d’un autre enfant sur un rocher. Par la suite je ferai des cauchemars, je serai durant des heures incapable de parler, mais à cet instant je ne ressens rien de particulier.
(...) J’ai deux enfants, une fille de huit ans et un petit garçon de cinq mois. Je me demande ce que je ferais si ce bébé était à moi. Je me demande ce qui est en train d’arriver à l’humanité.
Ozan Köse est un photographe de l’AFP basé à Istanbul
Article complet : "Que ferais-je si ce bébé était à moi ? " Ozan Kose. AFP Making of 01/02/2016
La mort à l’écran : éditer les images d’horreur
"Une image ultraviolente ou contraire à la dignité humaine et qui n’apporte aucune information ne sera jamais diffusée par l’AFP. Ce qui n’exclut pas la publication d’images très dures, sanglantes, mais qui témoignent de la réalité sur le terrain. « On ne peut pas cacher l’enfer », poursuit Marina Passos. "
(...)
« Nous sommes toujours tiraillés », renchérit Hassan Mroue, adjoint au responsable photo pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « D’un côté on essaye de ne pas publier les images les plus choquantes. Mais de l’autre, si on ne les montre pas, on a l’impression de dissimuler un crime ».
Article complet : La mort à l’écran : éditer les images d’horreur. Roland de Courson. AFP Making of. 29/09/2014
Photo de guerre: l’illusion de la transparence
"Montrer ou ne pas montrer la violence? Le débat refait surface avec régularité, car il semble contredire l’idée selon laquelle la presse aurait pour mission de transmettre l’information de manière neutre et objective. La censure n’est-elle pas le contraire du journalisme ?
Pourtant, les images d’une grande violence sont généralement épargnées au public. Comme l’explique Yves Michaud, contrairement aux proclamations de liberté de l’information, «cette censure est naturelle, spontanée et quasiment inévitable. Elle est d’ailleurs le fait, pour commencer, des auteurs eux-mêmes qui s’autocensurent souvent. (…) Les raisons de cette autocensure sont faciles à comprendre et je ne vois pas comment on pourrait s’opposer à elles. Il y a d’abord les simples exigences de la dignité humaine, et notamment de la dignité des victimes dont on peut difficilement admettre qu’après avoir été torturées, lynchées, éventrées ou défigurés elles aient en plus droit à être exhibées comme de la viande à l’étal1.»
Article complet : Photo de guerre: l’illusion de la transparence. André Gunthert. L'image sociale. 16/11/2014
Quand j’arrive sur la plage de galets, le premier cadavre que je vois est celui d’un bébé. Il doit avoir neuf ou dix mois, il est chaudement couvert et porte un bonnet. Une tétine orange est accrochée à ses habits. A côté de lui gisent un autre enfant, âgé de huit ou neuf ans, ainsi qu’une adulte, leur mère peut-être. Sur le moment, je ne sais pas quoi faire. Je prends quelques photos. Je parcours la plage, je vois le corps d’un autre enfant sur un rocher. Par la suite je ferai des cauchemars, je serai durant des heures incapable de parler, mais à cet instant je ne ressens rien de particulier.
(...) J’ai deux enfants, une fille de huit ans et un petit garçon de cinq mois. Je me demande ce que je ferais si ce bébé était à moi. Je me demande ce qui est en train d’arriver à l’humanité.
Ozan Köse est un photographe de l’AFP basé à Istanbul
Article complet : "Que ferais-je si ce bébé était à moi ? " Ozan Kose. AFP Making of 01/02/2016
La mort à l’écran : éditer les images d’horreur
"Une image ultraviolente ou contraire à la dignité humaine et qui n’apporte aucune information ne sera jamais diffusée par l’AFP. Ce qui n’exclut pas la publication d’images très dures, sanglantes, mais qui témoignent de la réalité sur le terrain. « On ne peut pas cacher l’enfer », poursuit Marina Passos. "
(...)
« Nous sommes toujours tiraillés », renchérit Hassan Mroue, adjoint au responsable photo pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « D’un côté on essaye de ne pas publier les images les plus choquantes. Mais de l’autre, si on ne les montre pas, on a l’impression de dissimuler un crime ».
Article complet : La mort à l’écran : éditer les images d’horreur. Roland de Courson. AFP Making of. 29/09/2014
Photo de guerre: l’illusion de la transparence
"Montrer ou ne pas montrer la violence? Le débat refait surface avec régularité, car il semble contredire l’idée selon laquelle la presse aurait pour mission de transmettre l’information de manière neutre et objective. La censure n’est-elle pas le contraire du journalisme ?
Pourtant, les images d’une grande violence sont généralement épargnées au public. Comme l’explique Yves Michaud, contrairement aux proclamations de liberté de l’information, «cette censure est naturelle, spontanée et quasiment inévitable. Elle est d’ailleurs le fait, pour commencer, des auteurs eux-mêmes qui s’autocensurent souvent. (…) Les raisons de cette autocensure sont faciles à comprendre et je ne vois pas comment on pourrait s’opposer à elles. Il y a d’abord les simples exigences de la dignité humaine, et notamment de la dignité des victimes dont on peut difficilement admettre qu’après avoir été torturées, lynchées, éventrées ou défigurés elles aient en plus droit à être exhibées comme de la viande à l’étal1.»
Article complet : Photo de guerre: l’illusion de la transparence. André Gunthert. L'image sociale. 16/11/2014
L'urgence d'informer
Attentats de Bruxelles : “Les chaînes d'info fonctionnent comme un cerveau traumatisé”
Spécialiste du trauma, la docteur en psychologie Marianne Kedia critique sans ménagement la couverture médiatique des attentats. Selon elle, les chaînes de télé devraient cesser d'interroger des victimes, d'évidence pas en état de maîtriser leur image et leurs propos. Elles seraient par ailleurs bien avisées de revoir leur couverture des attentats, dont le mode de traitement génère inutilement beaucoup d'anxiété chez les téléspectateurs.
(...) Il faut absolument que les journalistes réagissent et s'interrogent sur leurs pratiques : le respect des victimes, le traitement de l'émotion par les médias, la contagion émotionnelle… Je ne jette pas la pierre aux reporters et aux caméramans sur le terrrain. Ils sont dans le feu de l'action, et possiblement exposés. Se trouver devant le Bataclan au moment où l'assaut est donné, que ça pète de partout, c'est effrayant ! Donc qu'ils n'aient pas toujours les bons réflexes, je comprends. En revanche, je pense que les rédactions doivent apprendre à prendre du recul, par exemple en diffusant les images avec un petit différé, de façon à prendre le temps d'analyser et de verbaliser.
Article complet : Attentats de Bruxelles : "Les chaînes d'info fonctionnent comme un cerveau traumatisé" Marc Belpois . Télérama. 23/03/2016
Madame à la veste jaune
"Je vous demande pardon. Comme des millions de gens de par le monde, j'ai jeté sur vous un regard indécent, hypnotisé par cette scène de chaos vous montrant assise sur une chaise, partiellement dénudée, le visage ensanglanté, les yeux suppliants rivés sur l'objectif. (...)
Il a suffi d'une fraction de seconde, d'un instant de folie pure, pour que votre monde et vos illusions s'écroulent, gravant sur votre front et pour l'éternité ce masque d'affliction. Cette image terriblement iconique qui a rebondi à la vitesse de l'éclair sur les sites avant de se retrouver à la une de nombreux quotidiens le lendemain va me hanter longtemps. (...)
Vous étiez là au mauvais moment, au mauvais endroit. Jouet d'un destin cruel. Victime une première fois. Et presque simultanément une seconde fois, quand la machine médiatique avide de symboles forts, à forte teneur mystique, vous a prise pour cible."
Article complet : Madame à la veste jaune. Laurent Raphaël. Le Vif. 23/03/2016
Spécialiste du trauma, la docteur en psychologie Marianne Kedia critique sans ménagement la couverture médiatique des attentats. Selon elle, les chaînes de télé devraient cesser d'interroger des victimes, d'évidence pas en état de maîtriser leur image et leurs propos. Elles seraient par ailleurs bien avisées de revoir leur couverture des attentats, dont le mode de traitement génère inutilement beaucoup d'anxiété chez les téléspectateurs.
(...) Il faut absolument que les journalistes réagissent et s'interrogent sur leurs pratiques : le respect des victimes, le traitement de l'émotion par les médias, la contagion émotionnelle… Je ne jette pas la pierre aux reporters et aux caméramans sur le terrrain. Ils sont dans le feu de l'action, et possiblement exposés. Se trouver devant le Bataclan au moment où l'assaut est donné, que ça pète de partout, c'est effrayant ! Donc qu'ils n'aient pas toujours les bons réflexes, je comprends. En revanche, je pense que les rédactions doivent apprendre à prendre du recul, par exemple en diffusant les images avec un petit différé, de façon à prendre le temps d'analyser et de verbaliser.
Article complet : Attentats de Bruxelles : "Les chaînes d'info fonctionnent comme un cerveau traumatisé" Marc Belpois . Télérama. 23/03/2016
Madame à la veste jaune
"Je vous demande pardon. Comme des millions de gens de par le monde, j'ai jeté sur vous un regard indécent, hypnotisé par cette scène de chaos vous montrant assise sur une chaise, partiellement dénudée, le visage ensanglanté, les yeux suppliants rivés sur l'objectif. (...)
Il a suffi d'une fraction de seconde, d'un instant de folie pure, pour que votre monde et vos illusions s'écroulent, gravant sur votre front et pour l'éternité ce masque d'affliction. Cette image terriblement iconique qui a rebondi à la vitesse de l'éclair sur les sites avant de se retrouver à la une de nombreux quotidiens le lendemain va me hanter longtemps. (...)
Vous étiez là au mauvais moment, au mauvais endroit. Jouet d'un destin cruel. Victime une première fois. Et presque simultanément une seconde fois, quand la machine médiatique avide de symboles forts, à forte teneur mystique, vous a prise pour cible."
Article complet : Madame à la veste jaune. Laurent Raphaël. Le Vif. 23/03/2016
Journalisme citoyen, journalisme participatif
Demain, tous journalistes ?
Les contenus « amateurs » sont de plus en plus présents dans les pages des quotidiens, dans les journaux télévisés, ou encore sur les sites d’information. Sont-ils en train de révolutionner le métier de journaliste ? (...)
la chaîne France 24 a mis en place une page dédiée à ses « Observateurs », BFM TV celle de ses « Témoins ». Toutes n’ont qu’un seul but : mettre les lecteurs à contribution dans la production journalistique. Selon les tendances, on parle de journalisme « citoyen » ou « participatif ».La parfaite illustration de ce phénomène est la couverture médiatique des attentats de Bruxelles, le 22 mars dernier. Dans l’édition spéciale de RTL Info ainsi que sur son site internet, plusieurs images témoignent du drame. Elles ont toutes été envoyées par des citoyens qui se trouvaient sur place. Bien loin d’être journalistes, ces amateurs ont pourtant effectué (sans le savoir) une des missions premières du journaliste : informer.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces nouvelles contributions ne facilitent pas le métier de journaliste. Bien au contraire. Après la réception de contenus amateurs, tout un travail d’authentification s’impose. Comme l’explique Julien Pain, journaliste à France 24, dans une interview donnée au Monde, il est essentiel de ne pas négliger cette phase de vérification : « Face au flot d’images qui nous arrivent, la vérification est un énorme enjeu. À chaque événement, des “hoaxes”, c’est-à-dire des images fabriquées ou manipulées par des plaisantins ou des militants, ressurgissent ».
Article complet : Demain, tous journalistes ? Amélie James. Horizons médiatiques. 12/04/2016
Les contenus « amateurs » sont de plus en plus présents dans les pages des quotidiens, dans les journaux télévisés, ou encore sur les sites d’information. Sont-ils en train de révolutionner le métier de journaliste ? (...)
la chaîne France 24 a mis en place une page dédiée à ses « Observateurs », BFM TV celle de ses « Témoins ». Toutes n’ont qu’un seul but : mettre les lecteurs à contribution dans la production journalistique. Selon les tendances, on parle de journalisme « citoyen » ou « participatif ».La parfaite illustration de ce phénomène est la couverture médiatique des attentats de Bruxelles, le 22 mars dernier. Dans l’édition spéciale de RTL Info ainsi que sur son site internet, plusieurs images témoignent du drame. Elles ont toutes été envoyées par des citoyens qui se trouvaient sur place. Bien loin d’être journalistes, ces amateurs ont pourtant effectué (sans le savoir) une des missions premières du journaliste : informer.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces nouvelles contributions ne facilitent pas le métier de journaliste. Bien au contraire. Après la réception de contenus amateurs, tout un travail d’authentification s’impose. Comme l’explique Julien Pain, journaliste à France 24, dans une interview donnée au Monde, il est essentiel de ne pas négliger cette phase de vérification : « Face au flot d’images qui nous arrivent, la vérification est un énorme enjeu. À chaque événement, des “hoaxes”, c’est-à-dire des images fabriquées ou manipulées par des plaisantins ou des militants, ressurgissent ».
Article complet : Demain, tous journalistes ? Amélie James. Horizons médiatiques. 12/04/2016
La place du hasard
On ne sait jamais ce qu'on filme. Blog Médiapart. 30 avril 2016
"Le soir du 28 avril 2016, nous étions place de la République en train de réaliser un repérage de nuit pour mon prochain film, L'époque.
Peu après une heure du matin, des tirs nourris de grenades lacrymogènes ont dispersé en quelques minutes la foule rassemblée auprès d'un feu, au pied de la statue centrale. Ce plan a été tourné à 1h37 du matin (date du rush), alors que la place venait d'être entièrement vidée sous l'effet d'un dispositif policier comportant plusieurs centaines de CRS. Je n'ai rien vu sur le moment, je croyais faire un plan d'ensemble sur une ligne de CRS qui se restructurait. Quelle stupeur fut la nôtre, le 29 au matin, de découvrir tout de ce qui se cachait dans le détail du plan... "
"Le soir du 28 avril 2016, nous étions place de la République en train de réaliser un repérage de nuit pour mon prochain film, L'époque.
Peu après une heure du matin, des tirs nourris de grenades lacrymogènes ont dispersé en quelques minutes la foule rassemblée auprès d'un feu, au pied de la statue centrale. Ce plan a été tourné à 1h37 du matin (date du rush), alors que la place venait d'être entièrement vidée sous l'effet d'un dispositif policier comportant plusieurs centaines de CRS. Je n'ai rien vu sur le moment, je croyais faire un plan d'ensemble sur une ligne de CRS qui se restructurait. Quelle stupeur fut la nôtre, le 29 au matin, de découvrir tout de ce qui se cachait dans le détail du plan... "